L’équithérapie utilise le cheval pour aider les personnes en souffrance. La relation avec le cheval, un animal sensible qui capte les émotions humaines, facilite l’ouverture au monde extérieur et les équipes du Centre hospitalier Laborit l’ont bien compris lorsque la Ville de Poitiers et le Centre Équestre municipal ont proposé ce projet.
Des animaux en renfort, à l’hôpital psychiatrique, cela existe depuis des années à l’hôpital Laborit (cf “un peu d’histoire”). Côté équestre, il a fallu attendre l’année 2016 et quelques mois de montage du projet pour que les médecins puissent prescrire cette activité nouvelle. Les équipes de l’hôpital ont pu organiser la première séance en septembre 2016.
L’élaboration du programme a ensuite été rapide, tant les professionnels étaient d’ores et déjà convaincus de l’apport et l’intérêt de cette pratique pour les patients.
“Le contact avec l’animal est un catalyseur des relations sociales. Le but est d’aider les patients à s’ouvrir sur l’extérieur, et donc à guérir plus rapidement”, précise le Docteur Sylvie Peron, psychiatre en charge du projet.
Un peu d’histoire
C’est aux États-Unis que les premières études scientifiques sont conduites. Dans les années 1960, le pédopsychiatre Boris Levinson obtient des résultats bénéfiques en utilisant le chien comme « co-thérapeute » de l’enfant présentant des troubles psychiatriques. Il fait figure de pionnier et inspire d’autres expérimentations.
“L’animal ne se nourrit pas d’attentes idéalisées envers les humains, il les accepte pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils devraient être” – Dr Boris Levinson (pionnier de la Médiation animale)
Il faut cependant attendre les années 1980 pour que les travaux sur l’interaction homme-animal se systématisent. Après, les animaux font progressivement leur entrée dans les hôpitaux psychiatriques.
Au Centre hospitalier (nommé à l’époque « CHSV »), l’équithérapie a été proposée dès les années 1990 aux personnes les plus déficitaires hospitalisés à Chalons (Pavillons Anjou et Bourgogne) et animée par la psychologue Laurence Iste. Après la fermeture des pavillons de Chalons, les patients n’ayant pu quitter l’hôpital ont été accueillis au pavillon Amadeus et Laurence a poursuivi l’équithérapie au centre équestre de Lavausseau puis au centre de Mirandes à Ligugé, chaque semaine.
Chaque année, depuis, les patients participent à la « Route du poisson », manifestation sportive et populaire d’attelage équestre !
D’autres unités proposent également de l’équithérapie , notamment l’hôpital de jour de Loudun et Tony Lainé pour les adolescents.
Alors c’est tout naturellement que le projet d’équithérapie au service de réhabilitation psychosociale PHILAE* est né, porté financièrement par la Ville de Poitiers.
Développer une communication non verbale
Être malade, c’est se voir attribuer un rôle différent dans la vie sociale. Face à un individu différent, les comportements des autres changent.
L’animal, le cheval pour l’équithérapie, apparaît comme un semblable avec qui les patients partagent des réactions et des émotions.
S’ils n’ont pas les mots pour communiquer, les animaux savent établir des liens avec l’homme.
Ils permettent à l’être humain de développer une communication non verbale. L’animal est une présence, un être vivant à qui l’on peut parler, même confusément, ou ne pas parler du tout. Son effet bénéfique tient dans l’échange coordonné qu’il permet.
La relation avec l’animal crée les conditions d’un soin sans les mots. Les patients se trouvent en position de « prendre soin » à leur tour, leur rôle change.
L’implication des équipes de l’hôpital associés à l’expérience des moniteurs d’équitation permettent dans ce contexte d’apporter aux patients, un cadre sécurisant et contenant pour accompagner cette rencontre parfois prémisse de la première entrée en relation avec « l’autre ».
Le contexte, les séances
PHILAE est un service de psychiatrie, hébergement, information, lien et accompagnement extérieur du Centre hospitalier Laborit. Le service dispense des soins de réhabilitation psychosociale en accompagnant les personnes pour qu’elles accèdent à un hébergement en l’habitant “au mieux”. Les séances d’équithérapie ont débuté en 2016 à PHILAE. Elles ont lieu entre l’automne et le printemps, en extérieur ou dans le manège selon la météo, le jeudi matin au Centre Équestre municipal de Poitiers situé à quelques kilomètres de l’hôpital. “Le site est desservi par les bus, les patients peuvent ainsi s’y rendre en toute autonomie et sécurité”, précise Armelle du service de Réhabilitation Psychosociale du Centre hospitalier Laborit.
Dans le cas de PHILAE les patients qui participent aux séances d’équithérapie souffrent de psychose et de troubles de la personnalité. Ils vivent en famille d’accueil thérapeutique seul ou à deux. C’est le Docteur Sylvie Peron, psychiatre et responsable actuel du service, (après avoir travaillé à Chalons et d’AMADEUS avec Laurence Iste) qui établit les prescriptions médicales et discute avec l’ensemble du corps médical et de l’équipe de l’intérêt des séances.
Sur place, au Centre Équestre, patients et soignants sont accueillis par Virginie Bellanger, la monitrice d’équitation, spécialisée sur le public « handicapé » et titulaire d’un diplôme fédéral d’équithérapie.
«Le cheval est un médiateur thérapeutique, introduit-elle, c’est le seul animal capable de nous porter et doté d’un caractère particulier. C’est lui qui établit le contact avec le patient et il n’a pas le même comportement avec des personnes en situation de handicap. L’animal peut être autant stimulant que calmant ! L’approche est essentiellement basée sur la stimulation des sens et sur le langage corporel».
«Le travail aux écuries, par exemple, permet de fixer la relation entre le cheval et le patient, observe Antoine, du service de Réhabilitation Psychosociale du Centre hospitalier Laborit. Celui-ci s’occupe de son animal, le brosse. Cela renverse la relation. Les personnes non autonomes qui ont l’habitude qu’on s’occupe d’elles sont maintenant responsables de quelqu’un d’autre».
Le retour aux écuries permet une transition vers la fin de la séance. Le patient range le matériel et accorde une attention toute particulière à sa monture. Il lui fait plaisir par le biais de friandises et apprend ainsi à remercier. C’est également le moment d’effectuer une évaluation de la séance avec la monitrice et de faire le lien avec les équipes.
Le groupe accueilli cette année va de 23 à 54 ans, il n’y a pas d’âge pour pratiquer cette activité. «Certains ont peur, d’autres ont le vertige ou d’autres raisons, on ne les force pas, ils ne sont pas obligés», explique Virginie, tout sourire à la fin de la séance. Ces échanges affectifs créent détente et décontraction, cela favorise une relation de confiance entre le patient et l’animal.
«A la fin de l’année et après une séance par mois, hors vacances, les patients se connaissent de mieux en mieux mais au début de l’année, il n’y a aucune interaction, précise Armelle, la régularité est très importante».
L’une des dernières séances de l’année a permis l’organisation d’un jeu de « Horseball » sorte de passage de relai où les professionnels ont pu observer avec fierté les progrès de leurs patients-cavaliers.
«L’évolution au fil des séances est flagrante et les améliorations impressionnantes : communication, intégration, concentration, confiance en soi, interaction… Leur posture changent et l’on observe une dynamique de groupe au bout de quelques séances», expliquent l’équipe de PHILAE.
Armelle, Antoine et leurs collègues tiennent ainsi un Livre d’Or où les patients racontent leur année d’équitation. Certains patients des années précédentes, sont même inscrits et intégrés dans des centres équestres en milieu ordinaire.
Fort de ce constat, les séances ont repris en septembre pour une nouvelle saison !
*PHILAE : Psychiatrie Hébergement Information Lien et Accompagnement Extérieur