Virginie Cailleau et Jean Motte dit Falisse, devant le poster scientifique de l’étude.

Virginie Cailleau et Jean Motte dit Falisse, devant le poster scientifique de l’étude.

Le passage à l’acte des auteurs de violences sexuelles sur des mineurs de moins de quinze ans est influencé par certains traits de personnalité ainsi que par des circonstances particulières, comme par exemple la présence d’enfants. Cependant, dans les mêmes conditions et avec les mêmes profils, certains hommes basculent et d’autres non. Le passage à l’acte serait donc lié à des facteurs de vulnérabilité – certains étant l’alexithymie (difficulté à identifier et exprimer ses émotions) et l’impulsivité – associés à certains traits de personnalité.

Un protocole multicentrique international

C’est en tout cas ce que cherche à prouver le protocole de recherche lancé en 2012, coordonné par Jean Motte dit Falisse, psychologue et docteur en criminologie (CRIAVS Limousin), promu par le Centre hospitalier Laborit au sein des services du CRIAVS Poitou-Charentes et de l’unité de recherche clinique intersectorielle à vocation régionale Pierre Deniker, sous l’autorité des Pr Nemat Jaafari et Jean-Louis Senon. Cette étude observationnelle est conduite dans neuf centres, en France et en Belgique, sur des hommes majeurs reconnus coupables d’actes sexuels sur des enfants pré-pubères (non incestueux), impliqués dans des cas de pédopornographie ou tourmentés par la peur d’un passage à l’acte, ne présentant pas de troubles psychiques ou somatiques majeurs. Quatre-vingt-quatre patients sont déjà inclus dans cette étude, dont l’objectif est d’atteindre les 120 inclusions.

Une étude dérivée pour coter les récits des patients

« Dans cette étude, nous n’intervenons pas dans les soins, précise Virginie Cailleau, docteur en biologie moléculaire et cellulaire, attachée de recherche clinique et documentaliste au CRIAVS. Nous faisons passer dix tests à chaque patient : affirmation de soi, anxiété, dépression, empathie, personnalité, impulsivité, alexithymie… La plupart sont quantifiables, mais l’un d’entre eux, le TAT (thematic apperception test), est un test projectif dans lequel le patient est invité à produire un récit devant six planches d’images. Il nous a fallu définir une méthode de cotation en fonction de critères d’élaboration clinique du récit, pour pouvoir intégrer des résultats à notre étude. » Jamais réalisée auparavant, cette méthode a fait l’objet d’une étude dérivée dans quatre centres, ou quatre psychologues différents ont coté les mêmes récits de 34 patients, permettant non seulement de valider les critères de cotation de ces récits (très archaïque, archaïque, élaboré, très élaboré), mais aussi de vérifier que la relation patient-soignant n’influait pas sur les résultats.

Objectif : diminuer le taux de récidive

« Nous menons une étude complète croisant des approches neurobiologiques, phénoménologiques, cognitivo-comportementales et psychanalytiques. A terme, l’objectif du protocole est d’améliorer la prise en charge clinique d’auteurs de violences sexuelles pédophiles et de diminuer le taux de récidive, en agissant sur l’alexithymie, l’impulsivité et les traits de personnalité », résume Virginie Cailleau.

Le protocole de recherche et l’étude liée sur le TAT ont été présentés au 8e Congrès international francophone sur l’agression sexuelle (CIFAS) à Charleroi, en Belgique, en juin 2015. L’étude seule fait l’objet d’une publication dans l’Information psychiatrique (avril 2015) et d’un poster scientifique présenté aux 18ème journées de Psychiatrie neurologie gériatrie (PNG) en juin 2015, ainsi qu’à la journée recherche Tours-Poitiers-Limoges en janvier 2016.

Le titre complet du protocole de recherche : « En quoi les relations entre certaines dimensions de la personnalité et des facteurs de vulnérabilité psychiques et relationnels expliqueraient le caractère pathologique du passage à l’acte et justifieraient la spécificité de la prise en charge clinique chez des auteurs de violences sexuelles sur des mineurs de moins de quinze ans ».

Le CRIAVS Poitou-Charentes

Les centres de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) ont été créés en 2006 dans chaque région de France. Leur rôle est d’intervenir en soutien aux professionnels confrontés à des auteurs de violences sexuelles dans les milieux de la santé, de la justice, du pénitentiaire, du socio-éducatif, etc. Ils proposent aussi un service de documentation pour ces professionnels, et assurent enfin une mission de recherche. Le CRIAVS Poitou-Charentes s’est ainsi associé de manière inédite à l’Unité de recherche clinique du Centre hospitalier Laborit, où exerce Virginie Cailleau, attachée de recherche clinique et documentaliste dédiée.