Parole de soignants – Épisode #1 Amadeus

Premier épisode d’une série de regards croisés sur la Psychiatrie, publié le 12 mai, à l’occasion de la Journée internationale des Infirmiers.

Toujours présent(e)s depuis le début de la crise sanitaire, leur rôle est essentiel et cet article est aussi l’occasion de saluer leur courage et leur engagement au quotidien auprès des patients.

Une épidémie nouvelle, une pathologie inconnue, un virus insidieux, une situation déstabilisante, des repères bousculés, un contexte compliqué, une année en tension…

Même les plus expérimentés le disent : jamais dans leur carrière, ils n’avaient vécu une situation similaire.

Mais cette année particulière est aussi l’occasion de rencontres et de découvertes …

Voici les regards croisés de 2 agents qui nous parlent à leur manière d’un service de l’hôpital.

Florian Demetre – Gwenaelle Capou

Mars 2020… Début de la crise sanitaire de la Covid19.

Elle est infirmière volontaire pour un renfort, il est tout jeune diplômé infirmier.

Ils sont tous les deux affectés au Pavillon Amadeus.

Voici leurs témoignages.

Amadeus en période COVID : plongée dans l’inconnu

Gwénaelle Capou, infirmière du PUPEA se porte volontaire pour prêter main forte à l’équipe du Pavillon Amadeus durant la première vague. A l’issue de cette expérience, elle a ressenti le besoin de partager ce qu’elle avait vécu. Voici son témoignage.

Amadeus : Symphonie d’une immersion

« Une symphonie est une composition instrumentale savante, de proportions vastes, comprenant plusieurs mouvements joints ou disjoints et faisant appel aux ressources de l’orchestre symphonique. Wolfgang Amadeus Mozart était un virtuose… » source Wikipédia
Lorsque j’ai appris que j’allais retourner en psychiatrie adulte, j’ai tout de suite ressenti une forme de satisfaction de pouvoir aider où ce serait nécessaire, mais je l’avoue une pensée furtive m’a traversé l’esprit lorsque j’ai su que c’était au pavillon AMADEUS : Où allais-je mettre les pieds ?
AMADEUS…je n’en savais rien de plus que tout ce que j’avais entendu. Je ne connaissais du bâtiment que la devanture devant laquelle je passais régulièrement en quittant l’Hôpital de jour.

12 ans après, me voilà fin mars dans les couloirs d’un service de psychiatrie adulte pour une visite…
Dans mes souvenirs, AMADEUS est le service dans lequel peu de personnes souhaitent aller de façon spontanée, du fait des pathologies lourdes des patients qui peuvent faire peur. Dans mes souvenirs, AMADEUS est le service où l’on oblige les soignants à venir.
J’ai été accueillie début avril, en cette période si particulière par une équipe qui m’a très vite fait une place. Je me sens rapidement intégrée et je ressens une bienveillance à mon égard qui me met tout de suite à l’aise.
Mon immersion s’est donc faite aux côtés d’une équipe souriante, avec cette envie débordante et contagieuse de s’occuper de ces 28 patients, psychotiques déficitaires pour la plupart, et qui n’ont pas d’autres endroits où aller qu’entre ces murs.
Tous mes automatismes reviennent, les gestes, les réflexes que je pensais avoir oubliés.
Dans les couloirs c’est un peu comme dans une grande famille avec des parents s’occupant de leurs « petits » me rappelant ainsi « mes » touts petits de Diatkine.
Mais surtout je retiens les sourires dans leurs yeux, leurs taquineries et cette gratitude qu’ils ont envers l’équipe qui est présente pour eux jour et nuit.
Même sentiment, un plus loin dans ce long couloir principal, où les patients de l’unité fermée RAVEL arpentent l’espace qui est le leur.

Cette immersion comme j’aime la nommer, a été pour moi bien plus qu’un simple remplacement, une belle aventure humaine tant avec les collègues que les patients, que je remercie infiniment.

AMADEUS est un service animé et vivant, tel un concerto rythmé parfois par des cris, des disputes entre patients mais aussi des rires par ci par là tant au niveau des soignants que des soignés …le tout empreint d’une touche d’humanité véhiculé par les soignants pour ces patients oubliés.

Gwénaëlle Capou

Florian Demetre est infirmier, il a obtenu son diplôme début 2020 après 3 ans d’études à l’IFSI de Poitiers. Il est affecté au Pavillon Amadeus le 2 mars 2020 en plein démarrage de la pandémie.

Il a accepté d’exprimer ses propres perceptions en écho à la lettre ouverte de Gwénaëlle.

Une symphonie qui mérite d’être entendue

Amadeus. C’était il y a presque 1 an et cet écrit est l’occasion pour moi de revenir sur cette période si particulière. C’est sur le pavillon Amadeus, auprès de ces patients si particuliers, que l’on m’a donné la possibilité de faire mes premières armes.
Monument de la psychiatrie locale, le pavillon Amadeus ressemble à un bâtiment ancien, même si il a été construit il y a 20 ans. Géographiquement, il est situé au sud-ouest du site accolé aux marais, au fond du site de la Milétrie.
Accueillis au sein d’Amadeus, on trouve des patients psychotiques chroniques déficitaires, autistes pour certains. 27 personnes souvent sans contact avec leurs familles et ayant un lourd passé en psychiatrie, pour qui les projets tentés ont parfois échoué.
Depuis sa création et ayant souffert d’une réputation punitive pendant un temps, qui n’est plus justifiée. Le personnel n’est plus contraint d’y travailler parce qu’il n’a pas eu le choix, ça, c’est la légende du pavillon !
En tout, on dénombre 54 professionnels qui arpentent les longs couloirs du pavillon Amadeus pour accompagner ces patients « habitants » : 15 infirmiers d’équipe et 2 d’activités, 19 aides-soignants d’équipe et 3 d’activités, 2 cadres et 1 cadre supérieur de santé, 7 Agents de services hospitaliers, 1 assistante sociale et 1 psychologue, 1 secrétaire et bien entendu 1 médecin psychiatre et 1 médecin somaticien. Chacun apporte au quotidien, aide, écoute et lien social aux patients. Pour ces derniers, les soignants sont leurs « familles ».
Les différents confinements et restrictions sanitaires ont accentué ce sentiment. Même si nos patients sont de par leurs profils isolés du monde extérieur a quelques exceptions près, ils restent perméables aux tourments engendrés par la Covid-19. Malgré leur chronicité, ils ont su intégrer certains gestes barrières, comprendre l’intérêt du masque des professionnels et même soutenir leur « famille » soignante.
Unis face à cette situation inattendue, soignants et patients ont su mettre en place des stratégies d’adaptation contre la morosité de cette période épidémique. L’atelier Créa’Bois, moyen d’expression artistique, la confection de masque en tissu lors de la première vague, le maintien des sorties socialisantes lorsqu’elles étaient possibles, la méditation animale… les professionnels se sont montrés inventifs et audacieux pour maintenir le bien-être de la population d’Amadeus.
Symphonie qui mérite d’être entendue : les soignants, tels les musiciens d’un gigantesque orchestre, accompagnant les patients dans cette période troublée. Le tout guidé par des maîtres d’orchestre que sont les cadres et cadre supérieur de santé. Chacun œuvrant à son niveau pour éviter la fausse note, qui pour nos patients pourrait être dramatique. Sans oublier le concours de musicien ponctuel essentiel, venant participer a cette harmonie fragile, tels que nos collègues du pool, d’autres unités ou encore de la pédopsychiatrie qui nous tendent la main lorsque le besoin se fait sentir.

L’occasion pour eux de porter un nouveau regard, de faire évoluer leurs représentations et surtout d’entendre la belle mélodie d’Amadeus…

Florian Demetre

(NDLR : les 1ères lettres des paragraphes rédigés par Florian Demetre forment le mot AMADEUS)

Ces témoignages sont les premiers d’une série « Paroles de soignants » pour laquelle la Direction des soins souhaiterait des témoignages sur d’autres unités sur la base de cet échange de représentations, improvisé et volontaire…
N’hésitez pas vous aussi à témoigner de vos pratiques et de la vie de l’hôpital en contactant la Direction des Soins !