A l’occasion du Colloque régional Addictions et territoire qui s’est déroulé jeudi 14 avril au Palais des Congrès du Futuroscope, le Dr Serra, psychiatre responsable du CSAPA de la Vienne, évoque les dynamiques des « free to play ».
Les « free to play » que l’on peut littéralement traduire par « gratuit à jouer » sont des jeux dont l’accès n’est pas payant. Cela regroupe par exemple une grande partie des jeux mobiles comme Candy Crush, Clash of Clan ou Genshin Impact, mais également des licences comme Fortnite, Call of Duty : Warzone, League of Legends ou encore Destiny 2.
La rentabilité de ces types de jeux se base sur des micro transactions au sein d’une boutique virtuelle permettant aux joueurs de progresser plus rapidement dans le jeu. Ces paiements sont organisés de sorte que ceux qui dépensent de l’argent aient un avantage significatif par rapport à ceux qui ne le font pas. Ce sont ces achats qui sont mis en lumière par le docteur Serra qui rappelle que “3 % des joueurs de jeux vidéo ont une pratique abusive”.
Les « free to play » : la nouvelle poule aux œufs d’or ?
Pour contextualiser son approche, le docteur Serra précise que les jeux vidéo sont la première industrie de loisir au monde. Le principal support aujourd’hui contrairement à ce que l’on pourrait penser est le smartphone. Un Français sur deux y joue régulièrement et sur ce marché, ce sont les jeux gratuits qui rapportent le plus. C’est cette dimension que le médecin a souhaité développer. Le Dr Serra a ainsi fait le rapprochement entre les « free to play » et les jeux d’argent comme les loteries ou les paris sportifs. On peut retrouver les mêmes mécaniques de part et d’autre avec une notion de mise de départ, un gain qui repose sur le hasard et surtout une issue irréversible.
Pour illustrer cela, il prend comme exemple les « loots box » que les joueurs de « free to play » peuvent acheter qui correspondent à des coffres surprises. Les joueurs n’ont pas connaissance de son contenu lors de l’achat et espèrent avoir des objets ou avantages leur permettant de progresser plus vite.
Mais le problème selon lui, c’est que cela “conditionne le joueur” et s’apparente à “une monétisation dissimulée” qui représente une “menace financière” pour certains. Ainsi, contrairement aux jeux d’argent, ces pratiques ne sont pas bien encadrées ni régulées et créent aussi des pratiques addictives.
Ce système de « loot box » dans les jeux vidéo suscite une interrogation à l’échelle mondiale et est déjà interdite dans certains pays. Cette dernière a émergé notamment suite à la sortie du jeu BattleFront II dont les deux meilleurs personnages étaient accessibles uniquement en payant.
Pour les industriels, ces mécaniques sont comme celles de cartes à collectionner et ne représentent pas de danger particulier en termes d’addiction. Cependant, Wilfried Serra explique que les 1 % de joueurs qui dépensent le plus dans ces jeux financent 33 % des revenus des éditeurs.
Peu de personnes paient, mais ceux qui en ont l’habitude le font beaucoup et sans lien avec leurs revenus. Ces joueurs peuvent développer une addiction et dépenser sans compter y compris les plus jeunes. Par exemple, 31 % des enfants entre 11 et 16 ans ont déjà ouvert des « loot box ».
L’intervention du médecin pose la question de ces « free to play » qui incluent un système de « pay to win » (payer pour gagner) avec des « loot box » … Doivent-ils être considérés comme des jeux d’argent et donc être encadrés ?